Emirates City est une ville miroir de la mondialisation. Elle est à la fois la ville de l’or noir, du commerce, du boom immobilier, du libéralisme, du tourisme et du cosmopolitisme. C’est une utopie libérale et la ville des superlatifs. C’est aussi un îlot de stabilité et de prospérité, dans une région sous tension. Quatre-vingt cinq pour cent de ses habitants sont des étrangers. Elle est construite par des indiens, des iraniens, des américains, des européens, des pakistanais, des libanais, des palestiniens, des philippins… Ses habitants y séjournent pour travailler et gagner de l’argent, les touristes pour consommer. Ainsi, malgré la censure, malgré une justice aux ordres du pouvoir et malgré l’inexistence d’une politique sociale pour les étrangers, cette incessante circulation d’individus génère des échanges culturels intenses, à l’heure où l’Europe ferme ses frontières… C’est peut-être la première étape de ce qui pourrait être une renaissance arabe… Son développement spectaculaire commence dans les années 60 avec la découverte du pétrole, mais il prend son véritable envol après le 11 septembre 2001. Soudain, les grandes fortunes des pays du Golfe ont rencontré des difficultés pour se déplacer dans les pays occidentaux. C’est alors qu’elles ont décidé d’investir des capitaux sur place et de préparer l’ère, de l’après-pétrole. Cependant, pour qu’une ville mondialisée trouve aujourd’hui sa place sur la scène internationale, elle doit se distinguer. Emirates City a fait le choix de la démesure et de la surenchère urbaine : plus haut, plus grand, plus riche, plus énergivore, plus, plus… Elle est aussi la quintessence et le paroxysme d’un modèle urbain néolibéral qui tend à maximiser la valeur des terrains, à privatiser l’espace public, à donner des autoroutes aux voitures, à sécuriser les espaces de vie, à thématiser les parcelles, à segmenter les populations, à créer des zones économiques sans taxes ni impôts, à générer des flux migratoires de travailleurs ou encore à privatiser la distribution de l’eau et de l’électricité. Ainsi, au-delà des clichés, avons-nous essayé, malgré des indicateurs chiffrés souvent flous ou approximatifs, de comprendre comment cette ville s’est fabriquée, pourquoi elle a pris cette forme, quelle est son histoire, quelles sont ses stratégies de développement, qui la fabrique, dans un contexte d’évolution permanente.